Comment évaluer l’efficacité de l’hypnose ?


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Si l’hypnose existe depuis des centaines d’années, il reste encore aujourd’hui difficile de juger clairement de son utilité dans le domaine médical. Dans un rapport remis à la Direction Générale de la Santé, les chercheurs de l’Inserm sous la direction de Bruno Falissard ont évalué l’efficacité de cette pratique de médecine complémentaire dans certaines de ses indications (santé des femmes, troubles digestifs, chirurgie, psychiatrie…). Cette étude met en évidence son intérêt thérapeutique lors d’une anesthésie et pour la prise en charge du syndrome du côlon irritable. Elle confirme également que les risques liés à l’hypnose sont particulièrement limités.

L’hypnose n’est ni un état de vigilance ni un état de sommeil mais un état modifié de conscience. A l’échelle biologique, les effets de l’hypnose ont été confirmés par les techniques d’imagerie modernes. Celles-ci ont mis en évidence des modifications de l’activité de certaines régions cérébrales lors de suggestions chez un sujet sous hypnose.

On distingue plusieurs types d’hypnose selon leur application médicale : l’hypnoanalgésie utilisée comme méthode antalgique, l’hypnosédation qui couple l’hypnose à des produits anesthésiques et enfin l’hypnothérapie à visée psychothérapeutique. En plus de ces pratiques, le rapport s’intéresse aussi à l’EMDR – « Eye Movement Desensitization and Reprocessing » ou technique de désensibilisation et retraitements par mouvements oculaires. Cette approche intégrative faisant intervenir certaines pratiques issues de l’hypnose a été développée pour soigner le syndrome de stress post traumatique.


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En France, la pratique de l’hypnose est très hétérogène. Le terme d’hypnothérapeute n’est pas protégé et les formations à l’hypnose sont dispensées autant par les universités (diplômes non reconnus par l’ordre des médecins) que par des associations ou des organismes privés. Elles sont pour certaines réservées aux professionnels de santé alors que d’autres sont ouvertes à un public plus large.

Devant ce paysage hétéroclite, l’étude menée par Bruno Falissard et Juliette Gueguen, Caroline Barry et Christine Hassler (Unité Inserm 1018 « Santé mentale et santé publique ») a tenté d’évaluer l’efficacité de cette thérapie complémentaire dans le traitement de plusieurs pathologies. Dans ce but, les chercheurs ont analysé les résultats de 52 essais cliniques ainsi que ceux de 17 essais concernant l’usage de l’EMDR.

L’hypnose a un intérêt thérapeutique dans le syndrome du côlon irritable

Le syndrome du côlon irritable est caractérisé par des douleurs au ventre, des sensations de ballonnement et des phases de diarrhées ou constipations, altérant la qualité de vie des personnes atteintes. Les études testant l’hypnose pour traiter cette pathologie confirment son potentiel : des séances régulières d’hypnothérapie limitent les symptômes digestifs.

L’hypnose réduit la consommation d’antalgiques et de sédatifs

Les scientifiques se sont intéressés à la pratique de l’hypnosédation pendant des examens de chirurgie et radiologie interventionnelle : extraction de dents de sagesse, biopsies mammaires, interventions transcatheter, interruptions de grossesse … Les critères choisis étaient très variables et concernaient autant les patients (intensité douloureuse, anxiété,  consommation médicamenteuse, effets secondaires indésirables) que l’intervention elle-même (durée, coût). Bien que les études ne permettent pas de statuer sur une majorité de ces critères, les résultats concordent sur la consommation de médicaments antalgiques ou sédatifs. Pendant une opération sous anesthésie locale ou générale, l’action des sédatifs est complétée par l’administration d’antalgiques pour contrôler la douleur. Les études montrent que, grâce à l’hypnose, l’usage de ces médicaments est réduit durant ces interventions.

L’EMDR, une thérapie efficace dans la prise en charge du syndrome stress post-traumatique

Les données actuelles n’assurent pas l’avantage de l’hypnose par rapport aux traitements classiques du syndrome de stress post-traumatique, mais l’EMDR a, elle, fait ses preuves. Les thérapies cognitivo-comportementales centrées sur le traumatisme et l’EMDR seraient même les plus efficaces des psychothérapies dans ce cas. Ces conclusions ne s’appliquent cependant qu’aux adultes, trop peu d’essais ayant évalué les effets sur l’enfant ou l’adolescent.

Les données actuelles sont insuffisantes pour la majorité des autres applications de l’hypnose

Dans certaines pratiques médicales, les études analysées par les scientifiques de l’Inserm n’ont pas permis de conclure à un intérêt de l’hypnose notamment dans :

  • La prise en charge de la douleur pendant l’accouchement
  • La prévention de la dépression post-partum
  • La schizophrénie
  • Le sevrage tabagique
  • Les soins dentaires chez l’adulte et l’enfant

Les données concernant la sécurité de l’hypnose sont rassurantes

L’équipe de Bruno Falissard a également examiné la sécurité de l’hypnose rapportée dans la littérature. De manière rassurante, aucun effet indésirable grave ne paraît attribuable à l’hypnose. D’après les chercheurs, on ne peut pour autant exclure l’existence de tels évènements indésirables mais s’ils existent, leur incidence est relativement faible.

Si cette analyse démontre le réel intérêt des praticiens pour l’hypnose et les techniques dérivées, elle souligne surtout la nécessité de repenser les standards méthodologiques classiques. Elle fait également ressortir le besoin d’un questionnement sur le choix des groupes contrôle et des critères de jugements, et au-delà, du design même des études.


Pour les auteurs, il est également particulièrement important que des études qualitatives analysant le bien être des patients, soient prises en compte pour déterminer ce qu’ils ont vécu subjectivement pendant leur prise en charge.

Au vu de ces conclusions, l’enjeu de l’hypnose se situe aussi au niveau éthico-juridique. Nonobstant les chartes éthiques déjà mises en place à ce jour, la législation en France est toujours vague : l’hypnose peut être proposée autant par des non professionnels de santé comme par le personnel médical. Ainsi, la création d’un système de surveillance semble pertinente pour recueillir les données issues du terrain, mais surtout pour éviter le risque inhérent à tout recours alternatif aux thérapeutiques non conventionnelles : celui de retarder ou d’entraver l’accès à des soins conventionnels qui seraient par ailleurs nécessaires. 

Consulter le rapport complet en version PDF

Communiqué INSERM