Alcool : la Cour des Comptes veut davantage de taxes !


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En début de semaine la Cour des comptes a rendu public un rapport sur les politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool. Un sujet particulièrement sensible en France, l’alcool étant associé aux évènements festifs, aux modes de vie et à la culture.

 

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CC0 Public Domain /Pixabay

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Oui mais cet héritage social et culturel, renforcé par des enjeux économiques, induit une tolérance générale vis-à-vis de la consommation d’alcool qui explique, pour une large part, la difficulté à définir et à mettre en œuvre dans la durée une politique intégrée de santé et de sécurité.

Face à un tel constat, la Cour des comptes a souhaité conduire une évaluation des politiques de lutte contre les consommations nocives d’alcool. Et aux termes de son enquête, elle appelle à une prise de conscience collective et propose un cadre d’action au service d’objectifs mieux affirmés.


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Selon ce rapport que vous pouvez consulter dans son intégralité en CLIQUANT ICI (document en format PDF), la Cour fait plusieurs constats :

– absence de consensus
– une action publique peine à modifier les comportements
– des politiques mal coordonnées et reposant sur des bases mal établies

Elle appelle les autorités à faire de la lutte contre les consommations nocives d’alcool une priorité de santé publique.

Parmi les orientations proposées :

– l’élaboration d’un programme durable de lutte contre les consommations nocives d’alcool, fondé sur les preuves scientifiques et régulièrement évalué
– davantage d’information et de prévention
– mais aussi le renforcement de la fiscalité, de la réglementation de la distribution, du lobbying et de la publicité, mais aussi plus de contrôles et de sanctions en ce qui concerne la conduite en état d’ivresse.

C’est ainsi qu’elle propose notamment :

– de supprimer l’autorisation d’introduction et de consommation sur le lieu de travail;
– de relever la fiscalité sur les boissons alcoolisées pour diminuer les consommations à risque et préparer la mise en place d’un prix minimum ;
– d’appliquer à tous les supports numériques les restrictions de publicité en faveur des boissons alcooliques ;
– d’accroître la probabilité des contrôles et des sanctions immédiates en ayant recours à un seul appareil portatif homologué de mesure de l’alcoolémie contraventionnelle et délictuelle, en augmentant le montant des amendes forfaitaires et en appliquant un régime de contraventions immédiates jusqu’à une alcoolémie de 1,2 g par litre de sang.

Grossesse : encore trop femmes continuent à boire de l’alcool

L’occasion de revenir sur cette étude publiée en mars dernier et selon laquelle trop de femmes continuent à boire de l’alcool alors qu’elles sont enceintes. Ainsi 25% des femmes continueraient en effet à boire de l’alcool en portant leur enfant…

CC0 Public Domain /Pixabay
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Ce chiffre particulièrement inquiétant émane d’un rapport de notre très sérieuse académie de médecine relatif à l’alcoolisation foetale. L’occasion pour les sages de rappeler l’existence de nouveaux outils efficaces au service des mères et des enfants en danger… Voici leur communiqué :

En France, le Syndrome d’Alcoolisation Foetale (SAF) concerne au moins 1% des naissances (1°/00 pour les formes graves de SAF complet), soit environ 8000 nouveau-nés par an, ce qui signifie que près de 500 000 Français souffrent à des degrés divers de séquelles de l’alcoolisation fœtale.*

Or, la France accuse un retard important, notamment par rapport aux pays anglo-saxons, dans l’information, la prévention et la prise en charge de ces troubles dont la diversité, la gravité et surtout l’irréversibilité constituent un véritable fléau de santé publique et un problème de société aujourd’hui incontournable.

La consommation de boissons alcooliques pendant la grossesse augmente de manière inquiétante malgré les recommandations de 2006* ; surtout, plus de 20 % des français ignorent les risques de l’alcoolisation fœtale. Or, on constate parallèlement une augmentation des troubles du comportement chez les enfants en âge scolaire et les adolescents, qui suggère une relation de cause à effet avec l’usage de substances toxiques au cours de la grossesse, l’alcool en particulier. Bien plus, le SAF ne semble être que la partie émergée d’un iceberg regroupant tous les troubles non extériorisés, cognitifs et comportementaux de l’enfant, de l’adolescent et même de l’adulte.

En l’absence de tout traitement curatif, la prévention est la seule solution

Or, on peut aujourd’hui mettre en oeuvre une prévention active et efficace

Il est démontré que l’exposition prénatale à l’alcool modifie des structures cérébrales sensibles pendant les périodes embryonnaire et fœtale, d’où la survenue à long terme des troubles cognitifs, du comportement et de la mémorisation, voire de tendances addictives dans lesquels interviennent aussi des mécanismes épigénétiques. Or, il est désormais possible de détecter objectivement l’alcoolisation maternelle et fœtale :

– des auto-questionnaires ont été validés ; ils permettent, sans culpabiliser les femmes, de surmonter l’écueil du déni ;
– les nouveaux biomarqueurs ne se contentent pas, comme l’alcoolémie, de ne représenter qu’un instantané ne traduisant pas nécessairement une alcoolisation chronique. Par ailleurs, à la différence des tests biologiques classiques ((gamma GT – tests hépatiques – hémogramme) indirects, peu sensibles et peu fiables et donc à l’origine de nombreux faux positifs, ils mesurent directement la concentration des métabolites dérivés de l’éthanol. Décelables par une simple analyse capillaire chez la mère et par un dosage dans le méconium du fœtus, ils permettent de repérer a postériori avec précision et fiabilité une alcoolisation maternelle avec consommation excessive et répétée ;
– il faudra aussi compter avec les progrès de l’IRM chez le fœtus in utero et le nouveau-né pour localiser les zones cérébrales impactées par l’intoxication à l’alcool.

L’alcoolisation fœtale doit être considérée, au même titre que le diabète gestationnel et l’hypertension gravidique, comme une maladie chronique qui impose chez la mère une surveillance, des contrôles et des dosages biologiques afin de prévenir les désordres fœtaux. Les biomarqueurs biologiques modernes de l’alcoolisation trouvent alors légitimement leur place dans la surveillance de la grossesse et, à l’instar de ce qui est déjà fait dans d’autres pays, la France doit les mettre au plus vite en application. Leur large utilisation témoignerait de la volonté des pouvoirs publics de lutter avec détermination contre un fléau qui atteint la fraction sensible, vulnérable et sans défense de la société : le fœtus

L’Académie de médecine tient à rappeler que la lutte contre le SAF exige surtout une mobilisation à tous les niveaux, comme elle le détaille dans ses recommandations. Elle demande que cette lutte soit déclarée « Grande Cause Nationale » avec un seul mot d’ordre : « tolérance zéro alcool pendant la grossesse ».