Dans les Alpes , certains sols sont toujours des « déchets radioactifs »


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Pixabay/ CC0 Public Domain
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Le laboratoire de la CRIIRAD a procédé , les 5 et 6 juillet 2015 , à des mesures de radioactivité et échantillonnages dans les Alpes, afin d’étudier l’évolution de la contamination résiduelle par les retombées consécutives à la catastrophe de Tchernobyl . En mai 1986, les retombées avaient été particulièrement intenses dans le sud – est de la France et la CRIIRAD avait mis en évidence entre 1996 et 1998, de très fortes contaminations des sols dans le Mercantour.

Les nouvelles mesures réalisées  au cœur du  Parc National du Mercantour ,  entre  2 440 et 2 540 mètres  d’altitude , dans  le  secteur  du  Col  de  la  Bonette – Restefond,  à  la  frontière  entre  les  départements  des  Alpes de Haute -Provence et des Alpes Maritimes,  montrent que :

  • A 1 mètre  du sol, sur des  centaines  de  mètres carrés, le niveau de  radiation est  toujours plus de  2 fois supérieur à  la normale. Ces  forts  niveaux  de rayonnement  sont  dus à  la  contamination  résiduelle  des sols  par le  césium 137 imputable principalement 1 aux retombées de la catastrophe de  Tchernobyl . Le s rejets radioactifs massifs provenant du réacteur accidenté ont entrainé des  dépôts  radioactifs  particulièrement intenses dans le sud – est de la France et en particulier en montagne
  • En outre , en fonction de la topographie, des conditions climatiques, de la nature du couvert végétal  et  de  la  typologie  des  sols , le  métal  radioactif  qui s’est  déposé  sur  de  vastes  étendues a  pu  être  redistribué et  induire  de  très  fortes  accumulations .  L es  niveaux  de  radiation  au  contact  du  sol  dépassent toujours,  sur les zones d’accumulation, des valeurs plusieurs dizaines de fois voire plus  de 100 fois supérieures au niveau naturel

Le  fait  de  bivouaquer  2  heures  sur  certaines  de  ces  zones induit  toujours  en  2015  une  exposition  non  négligeable (débit de dose de 5 μSv/h au contact du sol).

Des  échantillons  de  sol  prélevés sur ces zones d’accumulation  ont  été ramenés  au  laboratoire  de  la  CRIIRAD en caisson plombé . Leur radioactivité  dépasse 100 000 Bq/kg en césium  137 . Ils  doivent  être  considérés  comme  des  déchets  radioactifs et  devront être confiés à l’ANDRA (Agence  Nationale pour la gestion  des  Déchets  Radioactifs). Au début  du siècle  dernier , la radioactivité  des  sols  était de 0 Bq/kg pour le césium 137.


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La CRIIRAD  a  démontré  à  la  fin  des  années 90  que  la  présence  de  fortes  accumulations en  césium  137  dans  les  sols  concernait  de  vastes  secte urs  des  Alpes  en  France,  Suisse,  Italie  et  Autriche .  Elle  a  interpelé à plusieurs reprises les autorités sanitaires françaises , en particulier en 1997 et 1998 , pour que  les  secteurs  les  plus  radioactifs  soient  dépollués , ou  tout  au  moins  balisés , pour  éviter  des  expositions inutiles.  Le  ministre  de  la Santé était venu  dans le  Mercantour  constater la gravité des  contaminations  (voir JT de France 2 du 21 Août 1998) ===> http: //www.ina.fr/video/CAB98034566/mercantour – radioactivite – video.html

Force est de constater que la situation n’a guère évolué sur le terrain.

  • Le caractère ingérable des catastrophes nucléaires :  L e  fait  que , dans  le  sud – est  de  la  France,  à  1 900 kilomètres de  Tchernobyl ,  et plus  de  29  ans  après la  catastrophe,  certains  sols  restent  contaminés  à  plus  de  100 000  Bq/kg  nous  interpelle  sur  ce  qui  se  passerait en cas de catastrophe nucléaire sur un réacteur situé à quelques kilomètres de nos frontières , ou au cœur  du  territoire  français. L a  période  physique  du  césium  137 est  de  30  ans  et  il  faut  attendre  300 ans pour que sa radio activité soit divisée par 1 000 .
  • Les mensonges des autorités françaises :  Le communiqué du Ministère de l’agriculture en date du  6  mai  1986 indiquait:  « Le  territoire  Français,  en   raison   de   son   éloignement,   a   été   totalement   épargné   par   les   retombées   de   radionucléides  consécutives à l’accident de Tchernobyl » .  L a  forte  contamination  toujours  détectable  29  ans  après  la  catastrophe permet d’ apprécier , a posteriori , l’ampleur de ce mensonge.  Après des années d’efforts, la  CRIIRAD  a  obtenu  que  les  services  officiels  français  reconnaissent  le  caractère erroné des cartes initiales des retombées de Tchernobyl sur le territoire français . Mais  les  autorités n’ont toujours pas reconnu que les niveaux de doses  subies à l’époque  auraient  nécessité la mise en place de mesures de protection sanitaire. L e territoire français a été contaminé  en  effet  à  des  niveaux  qui  ont  conduit ,  pour  certains  groupes  à  risque,  à  un  dépassement  des  limites  sanitaires  (en  particulier  des  limites  de  dose  à  la  thyroïde ,  du fait de l’ingestion  de l’iode 131 ,  isotope  radioactif fortement présent  à l’époque,  dans les retombées de Tchernobyl ) .

Communiqué de la CRIIRAD. Rédaction : Bruno CHAREYRON, ingénieur en physique nucléaire, directeur du laboratoire de la CRIIRAD